Funestes vacances sur l'Île d'Oléron

Chapitre I
Duval part en vacances

Vendredi 4 juin 1982 à Saint-Mandé

Ce vendredi 4 juin 1982, Raymond se réveilla en sursaut à cinq heures du matin, mettant ainsi fin à un rêve absurde dans lequel il sillonnait la France avec sa femme à bord d’un camping-car dans lequel ils enchaînaient les catastrophes. Depuis cinq jours, il ne décolérait pas et cette fois-ci la raison de cette mauvaise humeur ne relevait pas d’une contrariété professionnelle. Son courroux était devenu légendaire et son entourage avait l’habitude de subir ses emportements aussitôt qu’une enquête ne se déroulait pas selon ses prévisions. Non, de ce côté-là, il n’avait rien à craindre, car depuis deux semaines, il régnait un calme plat dans le service, à croire que tous les criminels étaient partis en vacances. La cause de cette irascibilité en incombait uniquement à son beau-père qui l’avait appelé lundi sur son lieu de travail afin de le prévenir que cette année, il ne pourrait pas les recevoir dans leur villa de Biarritz.

Durant les deux jours, Raymond avait réussi à cacher à Juliette, sa femme, les raisons de son agacement en évoquant des tracas administratifs, mais c’était sans compter sur la sagacité de son épouse. Depuis cinq ans qu’ils s’étaient mariés, elle le connaissait bien et savait parfaitement effectuer la différence entre des soucis professionnels et des problèmes personnels. Alors, elle ne le lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas avoué l’origine de cette contrariété. Il comprit que ce cauchemar prémonitoire lui offrait l’occasion de mettre Juliette au courant. Il attendit qu’elle se lève avant de lui dévoiler ce qui le rendait aussi nerveux.

 Dès qu’elle apprit les raisons de sa mauvaise humeur, elle s’en prit violemment à son père :

— Et pourquoi ne m’a -t-il pas appelée ?

— Il se doutait que tu réagirais mal et a préféré m’en parler avant, persuadé que j’arrondirais les angles. Auquel cas, il a commis une double erreur, parce que je me suis attaché au Pays basque, mais surtout que je n’avais aucune idée de la façon de te l’annoncer.

— S’il imaginait que tu trouverais le moyen de me calmer, c’est raté. Je n’ai pas le temps de lui téléphoner aujourd’hui, mais demain je lui dirai le fond de ma pensée.

— Je suis non moins déçu que toi, mais ne lui en veux pas à ce point là. Ce n’est pas de sa faute si les travaux n’avancent pas comme il l’escomptait.

— Il s’y est pris trop tard, je ne comprends pas pourquoi, car habituellement, il prévoit tout dans le moindre détail. D’ailleurs, je m’interroge sur l’urgence de ces travaux et je me demande s’il n’a pas attendu début mars avant d’appeler l’entrepreneur. Je sentais bien que cette année, il ne souhaitait pas que l’on vienne. Tu vas voir qu’il va prendre prétexte de ce retard pour offrir à ma mère la croisière en méditerranée qu’il lui a promise de longue date et dont tous les ans il repousse l’échéance à cause de nous.

— Et pourquoi ne nous a-t-il rien dit durant toutes ces années ?

— Il craignait de nous attrister, c’est pourquoi il a inventé cette histoire d’aménagement dont ils n’ont pas besoin.

— Moi qui pensais que cela leur faisait plaisir de nous inviter, comme quoi on peut se tromper. Maintenant, il faut les comprendre, ils vieillissent et ils doivent aussi s’occuper d’eux avant qu’ils ne ressentent le poids des ans. Ce n’est pas utile de leur donner des leçons, ce sont tes parents.

 — Tu as raison, je vais le rappeler et lui dire que nous sommes désolés de ne pas les voir cette année et je suggérerai à mon père de saisir l’occasion qui s’offre à eux de partir en croisière. S’il mord à l’hameçon, je saurai à quoi m’en tenir.

— Je souscris en tous points à ta proposition. À notre retour, nous les inviterons quelques jours à Paris. Il est grand temps de nous lever si nous voulons avaler un petit déjeuner avant de nous rendre au travail.

— Je croyais que tu te tournais les pouces ces derniers temps.

— Même si les voyous se montrent discrets, il y a toujours des tâches administratives en attente.

Depuis qu’il avait épousé Juliette, il avait pris l’habitude de passer ses vacances avec sa femme à Biarritz dans la villa de ses beaux-parents. Raymond tenait en haute estime son beau-père qui le traitait comme son propre fils et il appréciait particulièrement la région qui lui permettait de se rendre rapidement en Espagne, pays qui l’enchantait à plus d’un titre. Alors cette nouvelle l’avait chamboulé. Cette année, ils devraient trouver un autre point de chute pour leurs congés d’été. Et la proximité de l’échéance ne facilitait pas la tâche. Les propos de Juliette raisonnaient encore dans sa tête, comment ne s’était-il pas rendu compte que l’année précédente, l’ambiance s’était dégradée  ? Son beau-père, si assidu à écouter ses exploits, avait souvent avancé un motif pour s’esquiver, renonçant ainsi à ne pas entendre la fin du récit. Il en avait conclu qu’il s’inquiétait de sa santé depuis que son médecin lui avait trouvé du cholestérol et une tension anormalement élevée. À aucun moment, il n’avait imaginé que ses histoires de voyous et d’assassins puissent l’insupporter à ce point. Malgré la différence d’âge, il lui parlait comme à un collègue. Désormais, il garderait ses distances et prendrait des gants.

*

Samedi 5 juin 1982 à Saint-Mandé

Le lendemain matin, Juliette appela son père dès potron-minet. En dépit de son désir de lui donner une leçon, elle s’en tint au scénario envisagé la veille. Elle veilla à ne pas s’emporter et au lieu de l’accabler, elle lui expliqua que ce retard lui fournissait l’occasion d’offrir à sa femme la croisière dont elle rêvait depuis des années. Il lui sut gré de lui avoir soufflé cette bonne idée à laquelle il n’avait pas pensé et lui garantit que dans la journée il se rendrait à l’agence de voyages afin de signer les papiers.

Quand Juliette raccrocha, elle rejoignit Raymond, tout empressée de lui rapporter la totalité de la conversation. Elle prit un malin plaisir à imiter son père qui était tombé dans le panneau.  

— J’avais vu juste, il n’a pas hésité une seule seconde, il m’a remerciée de lui avoir rappelé sa promesse, mais je suis convaincue qu’il avait acheté les billets avant que je lui en parle. Je suis persuadée qu’ils nous en veulent parce que nous n’avons toujours pas d’héritiers.

— Ne dis pas de sottises. Tes parents t’aiment, c’est indéniable. Et puis concernant les enfants, nous n’avons pas épuisé toutes les possibilités que nous offre la médecine. Peut-être est-ce moi qui les agace avec mes récits noirs. Pourtant, ils m’avaient avoué qu’ils adoraient les séries policières.

— Cela n’a rien à voir avec toi. Papa a toujours agi en solitaire et l’âge n’arrange rien, il supporte de moins en moins que l’on chamboule ses habitudes. Il ne faut pas chercher ailleurs.

— Il nous reste à peine quatre semaines avant de trouver une autre destination et je ne possède pas la moindre piste. Quant à réserver dans un club, je pense que nous nous y prenons un peu trop tard. Tu n’as pas une idée ?

— Ma collègue de bureau a hérité d’une résidence secondaire à Saint-Trojan. Elle m’a proposé le mois dernier de me la louer, mais comme nous avions accepté l’offre de mes parents, j’ai refusé.

— Tu parles bien de la commune de Saint-Trojan située sur l’île d’Oléron. Je t’ai raconté plusieurs fois que j’ai commencé ma carrière à La Rochelle. J’ai eu l’occasion de visiter l’île à l’époque et j’en ai gardé d’excellents souvenirs, ce serait bien que ta copine n’ait pas trouvé preneur pour son pavillon.

—  Je ne compte pas l’appeler ce week-end, je ne la connais pas suffisamment au point de l’importuner pendant ses jours de repos. Je lui en toucherai deux mots lundi matin. Toi, de ton côté, tu devrais questionner tes collaborateurs. Il est possible que l’un d’eux ait une idée intéressante, car je ne suis pas persuadée que ma collègue dispose encore de ce logement. Elle a très bien pu trouver entre-temps un autre candidat.

— Nous ne sommes plus à deux jours près, j’attendrai la réponse de ton amie avant de déclencher le plan ORSEC.

— Tu ne souhaites pas que nos soucis familiaux se répandent dans tout le commissariat, tu préfères que ce soit moi qui m’expose. Finalement, on ne peut pas compter sur la police, répliqua Juliette avec un large sourire.

— Pas du tout, seulement, je n’aime pas mélanger vie privée et activité professionnelle.

— OK, tu espères avoir le dernier mot, je ne t’en veux pas. Je me dépêche, je ne désire pas arriver en retard et tu devrais t’habiller, à moins que tu aies décidé de ne pas travailler ce matin.

— Oh, tu as raison, je n’avais pas remarqué l’heure. J’ai intérêt à ne pas traîner.

*

Lundi 7 juin 1982 à Paris

Toute la journée, Raymond pria dans l’espoir que la copine de sa femme dise oui. Le choix de l’île d’Oléron commençait à lui plaire. Cette région éveillait en lui des souvenirs vieux de dix ans. Son affectation à La Rochelle s’était avérée une bénédiction. Il avait bénéficié d’une opportunité comme il en existe rarement dans une vie professionnelle. Dès son arrivée, il avait intégré l’équipe chargée d’enquêter sur un crime, brûlant ainsi la politesse à des policiers en place qui affichaient des années d’ancienneté. L’image du commissaire Bonnetti lui revint en mémoire. Sans lui, il aurait passé des mois à classer des dossiers avant de connaître le stress du terrain. Il avait eu le mérite de saisir cette chance et du coup sa carrière s’en trouva améliorée au point de rejoindre six ans plus tard le 36 quai des Orfèvres. Il devait tout à cet homme et les circonstances ne lui avaient pas permis de lui rendre visite. Ces congés offraient une excellente occasion de réparer cette injustice. Dès qu’il aurait l’assurance d’aller en vacances à Saint-Trojan, il demanderait au successeur de Bonnetti à l’hôtel de police de La Rochelle de lui fournir l’adresse où logent l’ancien commissaire et son épouse. Raymond leur présenterait Juliette qui accorde toujours un vif intérêt à tout ce qui touche à son passé.

Pour rentrer chez lui, Raymond prit le métro comme à son habitude. Il appréciait ce mode de transport autant en matière de sûreté que de rapidité et ce soir il avait hâte de retrouver sa femme. Quand Raymond ouvrit la porte de l’appartement, il trouva Juliette installée devant la table basse qu’elle avait préparée dans l’intention de fêter un joyeux événement. Elle avait déposé deux coupes, une assiette pleine de boudoirs et une bouteille de champagne dans un sceau rempli de glaçons. Il crut en la voyant ainsi qu’elle s’apprêtait à lui déclarer ce qu’il espérait depuis des mois. Il s’approcha d’elle avec un bonheur non dissimulé qui la fit tressaillir. Juliette comprit qu’il se trompait sur l’origine de cet apéritif improvisé. Elle s’en voulut de ne pas l’avoir prévenu par téléphone. Certes, ce qu’elle souhaitait lui annoncer devrait trouver grâce à ses yeux, mais serait sans commune mesure avec la joie qu’une naissance aurait pu susciter. Elle se leva et prit les devants avant qu’il ne fonde en larmes.

— Nous avons de la chance, ma collègue n’a pas loué sa villa ou plutôt, la personne qui l’avait réservée s’est désistée hier.

Raymond marqua un temps d’arrêt ne sachant pas s’il devait sourire ou pleurer. Il cacha mal ses sentiments en affichant un visage qui trahissait son émotion.

Juliette lui dit :

— Je croyais que tu adorerais passer un mois en Charente-Maritime. C’est bien dans cette région que tu as commencé ta carrière dans la police ?

— Oui, cela me fait grand plaisir. Excuse-moi de ne pas sauter de joie, seulement j’ai imaginé en voyant la bouteille de champagne que tu souhaitais célébrer autre chose.

— Désolé de te décevoir.

— Non, c’est idiot de ma part et tu as raison, cette nouvelle me réjouit, cela mérite d’être fêté. Si je t’ai bien compris, nous avons failli ne pas obtenir la location. Avez-vous parlé des conditions ?

— À quoi penses-tu ?

— Au loyer, à la situation géographique, à des commodités et à bien d’autres choses qui ne me viennent pas à l’esprit.

— Oui ! Regarde, elle m’a remis tout un dossier, il y a des photos, la maison paraît superbe, un peu trop grande à mon goût. Elle possède quatre chambres, une salle à manger immense et une terrasse donnant sur la forêt. La mer se trouve à moins de cent mètres et il y a une épicerie et une boulangerie à deux cents mètres.

— On ne pouvait rêver mieux. La proposition est-elle convenable ou doit-on s’attendre à une surprise ?

— Elle semblait tellement contente de la louer qu’elle m’a accordé un rabais de vingt-cinq pour cent. En sortant du bureau, je suis passée à l’agence de voyages, histoire de me renseigner sur les prix pratiqués à Saint-Trojan. Elle prend moitié moins cher que la moyenne.

— C’est sympa de sa part, nous lui offrirons un beau cadeau en rentrant de vacances.

— Et pourquoi pas tout de suite ?

— Je préfère attendre la fin, nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise.

— Sur les photos, tout semble correct.

— Comme tu peux le remarquer, les images sont parfaites. Seulement, mon métier m’a appris que la réalité pouvait s’avérer très différente de l’idée que l’on s’en fait. Et en agissant ainsi, la valeur de notre présent prendra plus de poids que s’il intervient maintenant. Il mettra l’accent sur les souvenirs de notre séjour plutôt qu’un remerciement sur la réduction qu’elle nous a octroyé. Sans nous, elle serait peut-être restée le bec dans l’eau.

— Tu as certainement raison, je souhaite que tes doutes ne nous portent pas la poisse.

*

Mardi 8 juin 1982 à Paris

À peine arrivé à son bureau, le commissaire Duval fut accueilli par une sonnerie stridente qui le sortit de ses rêveries estivales. Il raccrocha le combiné sans prononcer le moindre mot, pensant se débarrasser d’un importun. Le téléphone retentit à nouveau, Raymond répondit d’un ton un peu bourru et changea de comportement en reconnaissant la voix de la secrétaire du directeur. Elle le prévenait que son patron souhaitait le voir au plus vite. Raymond prit juste le temps de déposer ses affaires avant de repartir d’un pas alerte constater de quoi il en retournait. Ce genre de rendez-vous était rarement porteur de bonnes nouvelles. Il avait peur d’hériter d’un dossier urgent qui remettrait en cause ses vacances comme cela lui était arrivé par le passé. Seulement, à l’époque, il n’était pas soumis à des contraintes de location.

— Il frappa à la porte du directeur et attendit qu’il l’invite à entrer.

— Bonjour, Raymond, j’ai souhaité vous voir, car un événement qui vient de se produire vous concerne indirectement. Lucas Dupuiche s’est évadé ce matin de la prison des Baumettes. C’est bien vous qui l’avez arrêté.

— Oui, monsieur le directeur et vous craignez qu’il cherche à se venger.

— Ce n’est pas à exclure, d’autant plus qu’au procès il vous a menacé et je vous rappelle que nous n’avons toujours pas retrouvé les millions qu’il a dérobés. Avec une telle somme, il a les moyens de se payer des gardes du corps. J’ai compris que vous partiez en vacances sur l’île de l’Oléron ; vous n’ignorez pas que Lucas Dupuiche est né à Saint-Trojan ? Je vous recommande la plus grande prudence pour vous et votre épouse, cet homme compte parmi les plus dangereux.

— Pour parler franchement, lorsqu’une collègue de ma femme nous a proposé une location à Saint-Trojan, je n’ai pas effectué le rapprochement. Des milliers de personnes choisissent l’île d’Oléron comme région de villégiature sans penser à Lucas Dupuiche. Les paroles que vous venez de me tenir me glacent littéralement. Comment se fait-il que l’on ne l’ait pas encore localisé ?

— Il peut compter sur des complices qu’il a connus en prison. Une enquête est ouverte.

— Ce n’est pas cela qui me rassure.

— C’est la première fois que vous réservez dans cette région ?

— Oui, les autres années nous étions invités par mes beaux-parents dans leur villa à Biarritz, malheureusement, ils ont décidé de se lancer cette année dans des travaux et l’entrepreneur a pris du retard, d’où notre empressement à chercher un lieu de substitution. Il s’agit d’une coïncidence et l’évasion de Lucas Dupuiche n’y change rien.

— Je m’excuse de vous avoir inquiété, je suis persuadé qu’il n’est pas stupide au point de se précipiter chez sa mère. À cette heure-ci, il se trouve certainement à l’abri dans un pays étranger. Il a toujours refusé de nous dire où il avait caché le butin. Nous avons prévenu Interpol ; toutes les polices d’Europe sont alertées. Si nous ne nous revoyons pas d’ici là, je vous souhaite de bonnes vacances et un grand bonjour à votre ravissante épouse.

— Merci, monsieur le directeur. Actuellement, les affaires nous offrent un moment de répit et je profite de cette tranquillité pour mettre de l’ordre dans les dossiers. J’espère que d’ici la fin du mois, Lucas Dupuiche aura regagné sa cellule.

— Je le désire aussi, je me sentirai plus rassuré. Je n’ai nullement envie de perdre un brillant élément.

Raymond, lorsqu’il quitta son patron, sortit respirer l’air. Les mots du directeur résonnaient encore dans ses oreilles. Il avait besoin de réfléchir à la situation. Les trois événements, qui venaient de survenir dans sa vie, chacun, pris séparément, s’expliquaient. Son beau-père s’était lancé dans des travaux qui ne pressaient pas, la collègue de Juliette avait spontanément proposé de louer sa villa et Lucas Dupuiche malgré la surveillance drastique dont il faisait l’objet réussissait à s’évader. A priori, rien ne les liait et pourtant à bien y réfléchir, tous concouraient à l’envoyer sur les terres natales du seul individu qui voulait sa mort. Il chassa cette idée funeste de sa mémoire tant elle lui parut stupide. Imaginer que son beau-père et la collègue de sa femme aient accepté d’aider Lucas Dupuiche relevait de la paranoïa. Il choisit de ne pas en parler à Juliette ; bileuse comme elle était, elle se ferait un sang d’encre et leurs vacances seraient gâchées. Rasséréné, il effectua le tour du quartier et rentra au commissariat, bien résolu à se mettre à l’œuvre.

Le soir, sur le trajet qui le menait à son domicile, les pensées du matin revinrent à la surface. Afin de se rassurer, il décida de se renseigner sur cette collègue par trop prévenante. Quand il entra dans l’appartement, Juliette l’attendait et comme tous les soirs le reçut avec ces mots :

— Bonjour chéri ! As-tu passé une bonne journée ?

 Oui, excellente, répondit-il en se forçant un peu afin de ne pas montrer son inquiétude.

Ils échangèrent quelques banalités et il orienta la conversation sur Nicole.

— J’espère que tu lui as expliqué que j’étais ravi de retourner dans la région qui m’avait accueilli en début de carrière.

— Bien sûr, elle est très heureuse de nous dépanner

— Au fait, tu ne m’en avais jamais parlé auparavant.

— Non, elle a été embauchée, il y a à peine deux mois, elle attend avec impatience la fin de son préavis.

— Elle s’appelle comment ?

— Nicole, j’ai oublié son nom. Je te préviens de suite que ce n’est vraiment pas ton genre.

— Pourquoi dis-tu ça ?

— Parce que tu ne t’intéresses pas habituellement à mes copines de bureau.

— Oh là, tu exagères.

*

Les jours suivants passèrent sans apporter de raison à Raymond de s’inquiéter. Les propos du directeur avaient quitté ses pensées. Il fut chargé d’enquêter sur l’assassinat d’une femme qui habitait dans le quartier. Cette affaire l’occupa pendant deux semaines. Dès le début, il soupçonna un drame familial qui représente un facteur important des meurtres commis en France. Les doutes se portèrent très vite sur le mari qui avait pris la fuite. Un coup de téléphone anonyme stoppa brutalement sa cavale. Il s’était caché chez son frère en province qui reconnut être l’auteur de la dénonciation. L’assassin se rendit aux gendarmes sans effusion de sang, et même il se trouva plutôt soulagé de mettre fin à cette traque. Il avoua le crime lors de la garde à vue. Son avocat parla d’un meurtre passionnel, son client reprochait à son épouse de l’avoir trompé.

*

                                                                                                                                                                           Retour à la page précédente, Cliquez Ici

Date de dernière mise à jour : 12/11/2023

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