L’enfance de Jean
Les douze coups de minuit viennent de sonner à l’église, Jean a commencé à compter les coups, un, deux, trois, puis, parvenu à cinq, il s’est arrêté, il y en a trop, il n’a plus la force de continuer. Il ne souhaite pas être hospitalisé, il veut mourir chez lui, dans sa dernière demeure, comme sa femme quinze ans plus tôt. Il n’est pas seul, Lucienne, l’ancienne vendeuse de sa fille, veille sur lui, elle le chouchoute comme si c’était son père. Une infirmière vient l’aider dans la journée pour lui faire la toilette et prodiguer quelques soins. Il n’est pas atteint d’une maladie particulière, mais tout simplement de la vieillesse, sa vie s’en va tout doucement. Depuis quelques jours, il n’est plus en mesure de se lever. Cette nuit, il sait que s’il ferme les yeux, il ne pourra plus les rouvrir, alors il lutte, juste par réflexe, car il ne se fait plus de doute sur l’issue. Il a essayé d’appeler tout à l’heure, en vain, aucun son n’a pu sortir de sa bouche. Il n’a pas peur de mourir, il sait qu’il a fait son temps, il vient d’entrer dans sa quatre-vingt-dix-septième année. Dommage, il ne lui en manque plus que trois pour faire un compte rond. Il aurait pu m’accorder ces trois années quand même, se dit-il dans sa tête, sans trop savoir à qui il pensait, certainement à Dieu. Pourtant, la religion, il n’y croit plus, tellement il en a vu des misères au cours d’un siècle. Sa vie repasse devant lui, comme un film que l’on fait défiler à grande vitesse. Il revoit le jour de la mort de son père, la première scène dont il se souvient, il doit avoir deux ou trois ans, il a beau faire des efforts, il ne peut remonter plus avant dans le cours de sa vie. Avant de se coucher, pris d’un pressentiment, il griffonna un mot qu’il laissa bien en évidence sur la table de chevet.
Depuis plusieurs jours, Lucienne est inquiète, grand-père Jean ne va pas bien, ses forces l’abandonnent, elle sait que c’est désormais une question de jours, voire d’heures.
À six heures du matin, Lucienne se lève d’un bond et court dans la chambre de Jean, ce qu’elle craignait est devenu réalité, le grand-père Pélisse est mort. La première chose qu’elle remarque en entrant, c’est ce bout de papier à moitié chiffonné, les lettres sont mal tracées, on devine plus les mots qu’on ne les lit : « pour mon petit-fils, le livre dans l’armoire rouge ». Intriguée, Lucienne redescend au rez-de-chaussée, cherche partout la clé de l’armoire avant de s’apercevoir qu’elle est dans la serrure. De nombreux cahiers sont rangés avec des numéros. Elle ouvre le premier et découvre l’histoire de la vie de Jean, de sa naissance à sa retraite. Elle lit la première page et referme le cahier, cette histoire regarde ses descendants. Elle va ce matin les prévenir du décès du grand-père.
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I
La proie des loups
Il était là avec ses frères et sœurs en vêtements reprisés dans cette maison du Cantal en l’an 1875. Le mot maison convenait mal pour décrire ce genre d’habitation, parlons plutôt d’abri ou de masure. Toute la famille s’entassait dans deux pièces vétustes et inconfortables. Seule la plus grande, qui faisait office de salle à manger, de cuisine et de chambre pour trois des enfants, était chauffée par un vieux poêle qui dégageait une faible chaleur, car la réserve de bois touchait à sa fin. L’odeur du chêne humide se mêlait à celle du linge mal rincé qui séchait suspendu par un fil juste au-dessus de leur tête. Il n’était pas question, par des froids comme aujourd’hui, de mettre des vêtements dehors, ils seraient transformés en glaçons instantanément. La porte du fourneau était restée légèrement entrouverte afin d’éviter que le feu ne s’étouffe. Cette pratique n’était pas sans conséquence pour la santé de la famille, car la fumée qui s’en échappait par intermittence rendait l’atmosphère difficilement respirable. La nuit, les parents et les deux plus jeunes enfants dormaient dans la deuxième chambre aux dimensions plus petites, sans fenêtre ni chauffage.
Jean jouait seul dans un coin comme il en avait pris l’habitude, il était enrhumé, son nez coulait, il se frottait les yeux à cause de la fumée. Sa mère, allongée dans la pièce voisine, se reposait en l’absence de Mathieu, son mari. Elle attendait avec impatience le terme de sa sixième grossesse prévue pour la fin du mois. Jean, le petit dernier, avait trois frères : Abel, Pierre, Robert et une sœur qui se dénommait Blanche. Elle avait enfanté tous les ans, sauf entre Pierre et Robert, pour qui la différence d’âge atteignait les deux ans, à cause d’une fausse couche.
Depuis sa naissance, Jean n’avait pas connu d’autre univers, son monde se cantonnait à sa famille et à cette maison.
Le Cantal était un territoire magnifique que les touristes délaissaient à tort. À la fin du XIXe siècle, la région restait à l’écart des grands axes routiers et ferroviaires ; le développement de la région de Clermont-Ferrand, grâce à ses ressources minières importantes, lui faisait de l’ombre.
L’été, lorsque le soleil tapait toute la journée sur les hauteurs, la chaleur se montrait moins étouffante que dans la vallée, la température, plus clémente, rendait une agréable sensation de fraîcheur et de calme. Les hivers étaient rudes avec des chutes de neige fréquentes de novembre à avril ; le thermomètre pouvait descendre en dessous des -20° ; à cette température, difficile de chauffer convenablement les pièces. Cette année, tous les records de froid avaient été battus, pendant quelques jours, on avait frôlé les -30°.
La maison se situait à mi-chemin entre le centre du village et le hameau de Liniergues dans la commune de Villedieu, Mathieu, le père de Jean, en avait hérité avant son mariage. À partir du deuxième enfant, il avait envisagé de trouver un logement plus grand, la vie en avait décidé autrement, et ses rêves de déménagement s’étaient évanouis lorsque sa position financière s’était brusquement détériorée. Et au fil des ans et des accouchements, ils s’étaient entassés comme des poules dans un poulailler.
Les Ternes, ce petit village du département du Cantal, est situé à moins de deux lieues [1] de Saint-Flour. Le site, considéré jadis comme stratégique, commandait le passage qui menait à Saint-Flour par le col de la Roche-d’Auliac. Naguère, un château fort avait été érigé au XIIe siècle pour protéger Saint-Flour des incursions venues des vallées. Réputé indestructible pendant plus de deux cents ans, il fut cependant partiellement démoli en 1450 par les Anglais. Reconstruit au début du XVIe siècle au même emplacement, le château actuel trônait fièrement aujourd’hui au milieu du village, juste à côté de la magnifique église romane du XVe siècle. Avec ses enceintes de deux mètres d’épaisseur, il rassurait les villageois qui avaient l’impression que personne ne pouvait venir les envahir. Il faut toujours se méfier de ces certitudes populaires : le château imprenable avait été démoli et les pillards, lors de la révolution de 1789, ne s’étaient pas préoccupés de la taille des murs pour le mettre à sac.
Depuis quelques jours, la neige tombait en abondance du côté de Bouzentés bloquant l’accès qui menait à Saint-Flour. Heureusement qu’ils possédaient des stocks de conserves pour tenir tout l’hiver, car même l’épicerie ne détenait plus rien à vendre ; ses rayons étaient vides. L’épicier devait attendre que la route redevienne praticable pour se réapprovisionner.
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Malgré le mauvais temps, Mathieu était descendu au village comme il en avait pris l’habitude depuis qu’il était désœuvré. Il ne supportait plus d’entendre les enfants crier, alors, il passait la totalité de ses heures libres au café. Il ne recherchait pas la compagnie des autres, car, depuis son mariage, il était contrarié par les rumeurs qui circulaient sur son frère et lui. Leur amour pour la même femme avait jadis fait couler beaucoup d’encre. Cela ne l’incitait guère à entamer une conversation avec les villageois qui le bombarderaient de questions auxquelles il ne souhaitait pas répondre. Il fréquentait le café, pour boire, uniquement pour boire et pour oublier ses revers de fortune. Il avait envisagé de boire chez lui pour des raisons d’économie, mais il ne supportait plus la vue de sa femme et ses reproches.
Il avait déjà consommé deux verres de vin et venait d’en commander un troisième quand Christophe le patron refusa de le servir à nouveau, craignant de ne pas être payé. Mathieu s’en offusqua pour le principe, car il comprenait la décision du tenancier et aurait agi de même à sa place. Il s’inquiétait de son avenir, tout allait de mal en pis depuis quelque temps, son maigre salaire ne suffisait pas à rembourser ses dettes. Et que lui restera-t-il pour nourrir les enfants, comment allait-il faire ? Le sixième, qui n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez, grossirait immanquablement le budget. La maison n’était déjà pas assez grande pour les accueillir, alors qu’adviendra-t-il quand le petit naîtra ? Il allait être obligé de demander de l’aide à son frère ; or, il ne le souhaitait en aucun cas !
Mathieu venait de fêter ses trente ans, cinq enfants, bientôt six. Il était dans la force de l’âge, sa stature était impressionnante, il mesurait, comme son frère, plus d’un mètre quatre-vingt. Dans le hameau, on les appelait les géants. Ses cheveux bruns et longs lui valaient le surnom de Geronimo, un des chefs indiens les plus illustres. Il en imposait aux autres villageois, car, outre sa taille qui lui donnait un avantage certain, il était naturellement musclé. Les travaux qu’il effectuait le plus souvent au grand air par tous les temps lui avaient buriné la peau, ce qui le vieillissait de dix ans au moins. L’excès de boisson n’arrangeait rien à cela.
Mathieu n’avait pas un mauvais fond, il avait cédé une fois à une pulsion et sa vie avait basculé depuis. Ces derniers temps ne lui avaient pas été propices. À deux reprises, il avait failli mourir. La première remontait à deux mois alors qu’il dégageait la neige d’un toit avec sa pelle, il se retrouva projeté à terre et manqua d’être enseveli par l’avalanche qu’il venait de déclencher. Le propriétaire le secourut in extremis, mais cela ne l’empêcha pas de contracter une bronchite qui le cloua au lit pendant trois jours. Mathieu éprouva une perte sèche de salaire, car celui qui lui avait confié les travaux refusa de lui verser son dû pour le temps passé en prétextant que la tâche n’était pas terminée et qu’il avait dû faire appel à un autre. La deuxième datait de la semaine dernière, en abattant un chêne, il se fit une vilaine blessure à la jambe qui aurait pu lui être fatale. Suite à un mauvais calcul de l’impact, il s’était retrouvé en grand danger et, sans ce rocher providentiel, sa tête n’aurait pas résisté à la chute de l’arbre. Deux arrêts en deux mois, la malchance s’acharnait.
Il n’y avait pas de travail dans la région et nombreux étaient les Auvergnats qui émigraient à Paris. Mathieu en était réduit à accepter des petits boulots et, pour en faire, il en faisait des petits boulots : bûcheron, couvreur, maçon. Que des métiers pénibles, pour que sa famille ne crève pas de faim. Marie ne lui avait jamais pardonné ce mariage forcé, elle le détestait, ils restaient ensemble juste par habitude et pour éviter que le scandale ne s’ébruite.
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Il insista auprès du patron pour obtenir un autre verre, il avait besoin de cet alcool pour se réchauffer le corps et se donner la force de rentrer chez lui, le tenancier se braqua, pour lui aussi les temps étaient difficiles, beaucoup de ses clients demandaient un crédit. Christophe n’était pas auvergnat, mais flamand, de son vrai prénom Christoffel, qu’il avait francisé. Il avait connu son épouse, une native des Ternes, à Paris, où ils convolèrent en juste noce et vécurent quelques années. Quand son beau-père tomba gravement malade, ils se rendirent au village où ils arrivèrent quelques minutes avant l’enterrement. Sa femme était fille unique et sa belle-mère, trop affectée par la mort de son mari, refusait de s’occuper du café. Alors, Christophe s’installa dans la commune des Ternes et, tout naturellement, prit la suite du défunt à la tête du bistro qu’il baptisa en souvenir de son enfance l’Estaminet. Après une cohabitation difficile avec les villageois qui le traitaient d’étranger, il finit par être adopté. Christophe savait qu’au mieux il ne récupérerait que la moitié des sommes prêtées, ce qui faisait qu’il vendait ses boissons presque à perte. Lui aussi devait entretenir une famille, l’année dernière une épidémie de choléra avait tué trois de ses clients, que lui réservait cette nouvelle année ?
Mathieu ressortit dans le froid, il avait moins d’un quart de lieue à parcourir à pied pour rentrer chez lui et retrouver les cris des enfants et les disputes avec sa femme. La tête lui tournait, quel salaud, ce Christophe, pensa Mathieu. Ne pouvait-il pas lui donner un petit remontant pour la route ? La nuit n’allait pas tarder à tomber, mais, contrairement aux autres jours, le ciel était encore lumineux et aucun nuage à l’horizon ne venait assombrir le décor. Le vent soufflait maintenant en rafale accentuant les effets du froid, Mathieu gelait littéralement dans ses vêtements humides. À cette heure-ci, le poêle avait dû s’éteindre et la pièce sera glacée en arrivant. Il entendit le hurlement d’un loup au loin, un second lui répondait, les rigueurs de l’hiver les privaient de nourriture et la faim les incitait à rôder près des habitations. Mathieu n’avait pas pris son fusil avant de partir, car, depuis l’histoire de l’arbre, il traînait encore sa jambe et devait se servir d’une canne. Il se trouvait à mi-chemin entre le café et la maison, après quelques secondes d’hésitation il décida de revenir vers le café, là où il savait qu’il pourrait obtenir de l’aide. Les loups se rapprochaient, il les entendait désormais distinctement, ils avaient senti une proie en difficulté. Mathieu essaya de courir, mais sa jambe blessée le faisait terriblement souffrir. La sueur coulait sur son front, maintenant, il avait chaud, la peur l’envahissait, son visage devint pâle, il grelottait. Il se mit à crier au secours. Les loups l’encerclaient. Mathieu sut à cet instant qu’il ne verrait jamais son sixième enfant. Mathieu pensa à Marie et à son frère Thomas, il n’était pas très fier de lui avoir volé Marie huit ans plus tôt, il regrettait et estima que Dieu le punissait de son crime aujourd’hui.
Les loups tournaient autour de lui. Christophe, le patron du café, dès qu’il entendit les hurlements, comprit le danger et courut au secours de Mathieu. Léon, le seul client présent, le suivit. Ils avaient pris chacun leur fusil. Léon fut le premier à rompre le silence.
— Il y a bien longtemps que les loups ne s’étaient pas rapprochés si près du village.
— Le froid les oblige à délaisser les bois. Il va falloir se méfier, un accident peut vite arriver avec ce genre de carnivores.
— Nous n’avons pas droit à l’erreur, un loup blessé cherche toujours à se venger.
Mathieu restait figé, plus aucun mot ne sortait de sa bouche. En un éclair, il vit un loup lui sauter à la gorge, sous le choc, il tomba à terre en laissant échapper un cri inhumain, les bêtes se ruèrent sur lui en poussant d’horribles grognements, et soudain un grand silence, juste, le bruit des crocs qui se refermaient sur les chairs. Christophe et Léon se tenaient maintenant à moins de cent mètres des loups, ils aperçurent le corps de Mathieu gisant sur le sol, inerte, ils arrivaient trop tard pour le sauver. Ils étaient encore trop loin pour tirer. Ils se rapprochèrent, car les loups les avaient repérés. Les loups se sentant en danger, s’apprêtaient à attaquer les deux nouvelles proies. Léon visa le plus gros et, quand il l’eut dans la ligne de mire, il appuya de toutes ses forces sur la détente de sa carabine, le chef de la meute tomba, en poussant un cri, les autres prirent peur et détalèrent en entendant le coup de fusil. Christophe tira à son tour et abattit un deuxième loup qui s’écroula mortellement touché. Le reste de la horde s’enfuit avant que Léon ne recharge son arme.
— Ils vont attaquer les gens du village, nous aurions dû tous les tuer.
— Il faut prévenir Marie, sa veuve. Et dire qu’elle attend un sixième enfant. Un décès, une naissance, quelle chienne de vie !
Léon courut chercher Thomas, le frère de Mathieu. Celui-ci, en apprenant le drame, se pressa de rejoindre la dépouille de son frère. Un voisin prêta son cheval et sa charrette pour transporter le corps de Mathieu jusqu’à son domicile.
Thomas partit en éclaireur, il voulait être le premier à prévenir Marie, il lui devait bien cela.
Il l’aimait depuis le jour où il avait croisé son regard ; son amour n’a jamais faibli par la suite, malgré les épreuves que l’existence lui avait infligées. Il se retrouva huit ans en arrière, elle était si belle et lui n’avait d’yeux que pour elle. Marie lui avait promis de l’épouser et il la croyait. Il était le plus heureux des hommes avant que le drame ne survienne. Sans une explication, elle changea brutalement d’avis et se maria avec Mathieu alors que, la veille encore, elle jurait de vivre toute sa vie avec lui.
Mathieu, son frère aîné, la désirait aussi, et un jour que Thomas était parti rejoindre son père à la scierie, il l’avait attirée dans la grange sous un prétexte quelconque. Elle ne s’était pas méfiée et, une fois à l’intérieur, il essaya de l’embrasser, mais, comme elle refusait, il la violenta. Après son méfait, Mathieu ne se sentait pas fier de ce qu’il avait fait et, pour se justifier, il accusait Marie, il lui déclarait que tout était de sa faute, que c’était injuste qu’elle lui préfère son frère.
Au retour de Thomas, Marie n’avait rien dit, elle avait trop honte. Les semaines passèrent et elle s’aperçut qu’elle était enceinte. Elle n’avait aucun doute sur la paternité de Mathieu, car elle n’avait jamais couché avec Thomas, ils ne voulaient pas brûler les étapes et suivre les principes de la religion. Pas question d’avouer qu’elle avait été violée. Elle alla voir Mathieu, lui déclara qu’elle attendait un enfant de lui et qu’il devait réparer sa faute. Thomas devint fou de douleur lorsque Marie lui annonça qu’elle aimait son frère et qu’elle allait l’épouser. Thomas ne s’en remettait pas, il n’imagina pas un seul instant le drame et le malheur qui habitait Marie. Si elle lui avait avoué la vérité, il aurait assurément tué son frère, c’était justement ce qu’elle souhaitait éviter. Il ne s’était jamais marié, il attendait, il espérait. Huit ans étaient passés depuis le triste jour où elle avait épousé Mathieu, Marie avait eu cinq enfants et un sixième pour bientôt. Thomas voulait le protéger, ce futur bébé ; il rêvait de l’élever et cela d’autant plus qu’il était certain d’en être le père.
Au début, Mathieu travaillait à la scierie comme son père, il avait un métier à plein temps et touchait une paye tous les mois, en trois ans, trois enfants. Le ménage semblait heureux, personne n’imaginait le drame de Marie. Malgré le défilement des années, elle restait toujours amoureuse de Thomas. Depuis le mariage, les rapports étaient quasi inexistants entre les deux frères, Thomas n’avait pas l’occasion de venir chez eux et il ne souhaitait d’ailleurs pas revoir son frère. Leur maison se situait à l’écart du village. Marie avait trop à faire avec ses trois petits pour s’y rendre tous les jours. Aux habitants qui s’inquiétaient de ne pas la voir souvent, elle objectait l’éloignement et la garde des enfants. La vraie raison était tout autre, elle craignait de rencontrer Thomas et de tout lui avouer.
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